Le projet de Mathieu Simonet

En fin d’année 2013, le hasard a voulu que Mathieu Simonet vienne faire une conférence dans mon cours de droit, à la Sorbonne. Nous nous connaissions déjà, et je me faisais une joie de l’écouter parler de son métier d’avocat, de sa vision de la littérature, ainsi que du lien qui unit le droit au monde littéraire.
Au fur et à mesure de la discussion avec les étudiants, il a fini par nous parler de l’un de ses nombreux projets : proposer à des patients de plusieurs hôpitaux de l’AP-HP d’écrire sur leur adolescence, dans des carnets, distribués dans les services et médiathèques des hôpitaux. Il souhaite également organiser dans l’année des rencontres musicales et littéraires, afin de lire quelques extraits des témoignages qu’il aura déjà récupérés. Et pour continuer le processus d’écriture, il veut proposer à des écrivains de venir à ces rencontres, et d’écrire à leur tour un texte sur la rencontre en question. Je me propose, sans hésiter.
Quelques mois plus tard, il n’a pas oublié, et m’envoie une liste des dates. Je suis disponible pour la première de ce nouveau projet, elle aura lieu le 27 mai 2014, à Paris, à l’hôpital Cochin.

J’arrive sur les lieux, et quelques petites affiches me guident vers le cloître de l’hôpital. Mathieu Simonet a invité pour cette première le chanteur Joseph d’Anvers, et l’acteur et écrivain Manuel Blanc. Tous trois sont en train d’installer la salle. Je suis l’une des premières arrivées, et je vois quelques personnes en blouse blanche, quelques patients, et des amis invités par les trois artistes, remplir le cloître petit à petit. J’aperçois au fond de la salle Olivier Steiner, écrivain chez Gallimard, ami de Mathieu Simonet, et coordinateur du livre Les Lucioles, créé au bénéfice de l’association du Refuge, qui aide et défend des jeunes homosexuels, victimes de l’homophobie. Deux écrivains et amis engagés. Il faut en parler, ils ne sont pas si nombreux.

Le public s’assoit. Mathieu Simonet présente son projet, son parcours, et sa volonté de faire avancer cette belle idée de partager ces textes de patients. Joseph d’Anvers ouvre l’après-midi en nous chantant, accompagné de sa guitare et de son harmonica, l’une de ses chansons, « Las Vegas ». Le cloître est une excellente idée, les voix résonnent, cela donne un côté mystique au rendez-vous, et apaise les esprits. Manuel Blanc enchaîne avec un texte sur la danse, ainsi qu’une première lecture d’un carnet. Il s’agit du numéro 304. Tous sont anonymes, ce qui ajoute de la beauté au projet. L’anonymat est total, et pour tous.
Pour continuer, Manuel Blanc nous lit le texte d’un adolescent. Car oui, Mathieu Simonet ne s’arrête pas là. Il nous explique qu’il a aussi proposé à des adolescents de lire le carnet d’un patient, et d’écrire un texte à leur tour, en rapport avec ce qu’ils ont lu. Le projet parcourt les hôpitaux, les lycées, le milieu artistique. Tout ces mondes qui ne se croisent pas habituellement, se retrouvent réunis par l’écriture.
Les chansons et les textes s’enchaînent, pour le plaisir du public, pendant presque une heure. L’accord est parfait entre Joseph d’Anvers et Manuel Blanc. Mathieu Simonet a réussi son pari : faire s’évader un public pendant quelques instants. À la fin de la chanson « Trouble », présentée en avant-première, car issue du prochain album de Joseph d’Anvers, le cri strident d’une ambulance retentit, et nous sort de notre rêverie, afin de nous rappeler que la vie, à l’extérieur, continue.

Site de Mathieu Simonet

Site du projet : Carnet 37

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